samedi 21 mai 2011

RÉSOLUTIONS DU CONGRES DE NANTES 2011




« CONGRES DE NANTES »
Nantes, samedi 7 mai 2011[1]


Nous, organisations de la société civile et personnalités réunies à Nantes à l’initiative du Collectif du 10 Mai, du CO10MAI (Comité d’Organisation du 10 mai) du MIR (Mouvement International pour les Réparations) et du DDPA Watch-Group (Observatoire des mémoriaux de l’esclavage et de la mise en œuvre de la Déclaration et du Plan d’Action de Durban), à l’occasion de la commémoration nationale française « des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions », adoptons les résolutions qui suivent :



Commémoration en France
Vatican
Conseil de l’Europe
États membres des Nations Unies (DDPA)
Société civile
UNESCO
Nations Unies


Commémoration en France du crime contre l’humanité de la traite et de esclavage et de leurs abolitions

1.    Le Congrès de Nantes affirme le droit de tout citoyen, à recommander, exiger, créer des mémoriaux, le droit à marcher, et le droit à engager toute action qui vise à rendre honneur et respect aux victimes de la barbarie esclavagiste.   
2.    Le Congrès de Nantes se félicite du renforcement en 2011 de la participation internationale à l’historique « Marche des esclaves » instituée en mai 2006 à Nantes pour commémorer le crime contre l’humanité fondateur de la prospérité de la ville. Nantes et Liverpool ont été les principaux ports négriers de l’Europe. 
3.    Le Congrès de Nantes s’alarme de l’opacité dans l’allocation des subventions aux initiatives commémoratives et se réserve le droit de demander un audit quant à l’ensemble des fonds alloués par l’État et les collectivités depuis l’adoption de la loi Taubira.



Vatican
10. Le Congrès de Nantes en appelle au Pape Benoît XVI pour que soit procédé à l’abrogation de plusieurs édits du XVème siècle relatifs à des doctrines papales qui ont justifié des pratiques destructrices dont une grande part de l’humanité continue de subir les effets néfastes.
En particulier : La Bulle Dum diversas (1452) et la Bulle Romanus Pontifex (1455) qui autorisaient la monarchie du Portugal à réduire “en esclavage perpétuel” les “ennemis du Christ” parmi lesquels “ les Sarrasins et les païens”, et la Bulle Inter Caetera (1493) appelant à la subjugation des “nations barbares”.
Cette action s’inscrira dans la continuité d’autres initiatives telles que la dénonciation par le Concile Vatican II du racisme qui a à un moment conduit l’Église catholique à assimiler à l’ensemble du « peuple juif », ce qui, selon les écritures, n’était qu’« une foule » exhortant à la mise à mort de Jésus, stigmatisant ainsi ce peuple aux yeux des catholiques en tant que « peuple déicide », avec les conséquences que l’on sait.
Le catholicisme est une composante importante de la culture contemporaine dans de vastes parties du monde.
Cette abrogation des bulles exhortant au colonialisme et à l’esclavage, constituera pour les descendants de colonisés comme pour les descendants de colonisateurs, un signe fort de réaffirmation du message d’unité et de fraternité qui constitue le fondement officiel de cette église.
Un courrier dans ce sens sera adressé aux autorités concernées.


Conseil de l'Europe

11. Le Congrès de Nantes appelle le Conseil de l’Europe et chacun des États de l’Union Européenne à reconnaître en droit les crimes coloniaux contre l’humanité que ses États ont perpétrés en dehors du territoire européen. Un courrier dans ce sens sera adressé aux autorités concernées.
                                                                                    
A cet égard nous rappelons que la France a adopté en mai 2001 une loi déclarant la traite esclavagiste et l’esclavage crimes contre l’humanité, dont l’article 3 spécifie :
« Une requête en reconnaissance de la traite négrière transatlantique ainsi que de la traite dans l'océan Indien et de l'esclavage comme crime contre l'humanité sera introduite auprès du Conseil de l'Europe… »

D’autre part, à l’échelon européen, à partir de décembre 2000, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été adoptée qui interdit l’esclavage, le travail forcé et la traite des êtres humains.

Et en 2001, la résolution adoptée par la 3ème Conférence mondiale des Nations Unies « contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », est explicite :
reconnaissance (13.) « que l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité », sont « l’une des principales sources et manifestations du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée », que (14.) « le colonialisme a conduit au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée », et conscience « des souffrances infligées par le colonialisme ».

12. Le Congrès de Nantes rappelle que l’afrophobie est un héritage du passé criminel de l’esclavage, et que le travail de mémoire et d’histoire vise à lutter contre les discriminations actuelles à l’encontre des personnes d’ascendance africaine.

États membres des Nations Unies (Déclaration et Plan d’Action de Durban)

En septembre 2001, la troisième Conférence des Nations Unies contre le Racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y est liée a été organisée en Afrique du Sud.

La particularité de cette conférence, est que la société civile a pu y faire pleinement entendre sa voix, la primauté étant accordée à « la voix des victimes ».

Le Programme d’Action de la CMCR a été articulé autour de l’identification :
-          des sources, causes, formes du racisme, des discriminations, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est liée,
-          des victimes,
-          des mesures de prévention (information, conscientisation, éducation),
-          des mesures de protection des victimes au niveau à la fois international et des États,
-          des remèdes effectifs, recours, réparation et autres mesures, aux échelons nationaux, régionaux et international,
-          des stratégies pour parvenir à une égalité effective, lesquelles exigent une interaction :
Ø  des organes régionaux et internationaux de défense des droits humains (Nations Unies),
Ø  des parlements,
Ø  des sociétés civiles, organisations religieuses incluses,
Ø  et du secteur privé.

A l’issue de la Conférence un Programme d’Action a été adopté qui en particulier :
(art.167) « Invite les États à s’acquitter promptement de tous les engagements qu’ils ont pris dans les déclarations et plans d’action adoptés lors des conférences régionales auxquelles ils ont participé et à formuler des politiques et des plans d’action nationaux pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée conformément aux objectifs qui y sont stipulés et comme prévu dans d’autres instruments et décisions pertinents; et demande en outre, lorsque de tels politiques et plans d’action pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée existent déjà, que les États y intègrent les engagements résultant de ces conférences régionales ».

Un Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine (Diaspora) a été mis en place au sein des Nations Unies et une Conférence d’évaluation a été organisée en avril 2009.

13. Le Congrès de Nantes exhorte les États à respecter leurs engagements à mettre en œuvre le Plan d’Action de lutte contre le racisme qu’ils ont adopté, et en particulier pour ce qui concerne les personnes d’ascendance africaine :
Ø  à reconnaître dans leurs législations nationales que (13.) « l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité », qu’elles sont « l’une des principales sources et manifestations du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée », (14.) « que le colonialisme a conduit au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée » ;
Ø  à reconnaître l’afrophobie et les discriminations qui les ciblent spécifiquement en rapport avec l’esclavage racialisé qui a sévit durant plusieurs siècles et a façonné les mentalités ;
Ø  à délivrer certaines statistiques désagrégées permettant de faire un état des lieux documenté des discriminations qui ciblent les personnes d’ascendance africaine ; dans les pays où cela est nécessaire, cet état des lieux ouvrira la voie à la reconnaissance des personnes d’ascendance africaine en tant que groupe vulnérable ou minorité, les minorités étant couvertes par des instruments internationaux législatifs de protection ;
Ø  à soutenir la demande introduite par les organisations de la société civile, d’une Décennie des Nations Unies des personnes d’ascendance africaine (dans le prolongement de 2011 proclamée « Année Internationale des personnes d’ascendance africaine ») ;

14. le congrès de Nantes rappelle aux états qu’il leur incombe de fournir à la société civile les moyens de participer effectivement à l’évaluation de la mise en œuvre du Plan d’Action de la 3ème Conférence des Nations Unies contre le racisme, prévu le 22 septembre 2011 au siège des Nations Unies aux USA
Société civile
Le Congrès de Nantes observe que certains dossiers ont été insuffisamment traités ou méritent une plus grande visibilité. 
9.    Le Congrès de Nantes appelle à l’organisation d’un forum qui permette en particulier de présenter ouvertement :
Ø  La traite et l’esclavage arabo-musulman qui perdurent, ainsi que l’arabisation forcée de certaines populations africaines,
Ø  Le caractère historiquement consubstantiel du système économique capitaliste et du crime contre l’humanité de la traite et de l’esclavage, en particulier transatlantiques,
Ø  L’emprisonnement qui perdure d’une partie de ceux qui, dans les années soixante et soixante-dix, ont constitué l’avant-garde de la lutte menée aux USA contre le racisme institutionnel, 
Ø  La finalité, la nature et l’impératif des réparations pour les personnes d’ascendance africaine, et les mécanismes qui sont liés à leur mise en œuvre.


UNESCO

Le Congrès de Nantes,
-          se félicite du travail entrepris par l’UNESCO dans le cadre du Projet la Route de l’esclave et dans le domaine de l’édition scolaire et de la production de matériel pédagogique,
-          observe qu’il est urgent de réviser le traitement du crime contre l’humanité des traites esclavagistes et de l’esclavage, en France comme dans la majorité des états-membres,
-          observe,
Ø  que la connaissance de pans majeurs de l’histoire est maîtrisée en Afrique et dans la Diaspora par des personnes qui n’appartiennent pas au monde académique, et qui pour certaines ne pratiquent aucune langue coloniale ;
Ø  et que les productions universitaires ne rendent encore que très imparfaitement compte de ce savoir-là.

10. le congrès de nantes réaffirme le droit des personnes d’ascendance africaine dont l’histoire, le patrimoine culturel et l’avenir politique sont en jeu, à être associées à l’élaboration des travaux académiques menés par l’UNESCO et les agences similaires.
11. Le Congrès de Nantes en tant qu’assemblée de la société civile comportant une majorité de non-spécialistes dont les enfants seront récipiendaires de ces productions, demande qu’un mécanisme soit établi (comité consultatif…) qui nous permette, d’interagir dans l’élaboration par l’UNESCO des documents pédagogiques portant sur l’enseignement du crime contre l’humanité des traites esclavagistes et de l’esclavage.

Nations Unies
Il incombe aux Nations Unies de mettre en place des mécanismes qui permettent une prise en compte des approches et recommandations des personnes d’ascendance africaine et leur intégration systématique dans les politiques, résolutions et conventions internationales.
12. Le Congrès de Nantes soutient à cet effet, la demande maintes fois réitérée par la société civile d’ascendance africaine, de l’établissement d’un Forum permanent au sein des Nations Unies, doté des moyens requis, a minima équivalents à ceux alloués au Forum Permanent des Peuples Autochtones.
13. Le Congrès de Nantes lance un appel à la communauté internationale afin qu’elle proclame le plus rapidement une Décennie des Nations Unies des personnes d’ascendance africaine ; il est urgent que les problèmes complexes auxquels sont confrontées les personnes d’ascendance africaine, y compris en terme de préservation de leur patrimoine culturel et d’élaboration autonome de leurs institutions, puissent être adressés.


[1] Le Congrès de Nantes fait partie d’une série d’évènements organisés à Paris et Nantes dans le cadre de la commémoration, parmi lesquels, à Nantes, « L’Hommage aux Résistants noirs » et la « Marche des Esclaves » et à Paris, une conférence-débat à l’UNESCO le 10 mai, évènements auxquels participe Malaak Shabazz, fille du Dr Betty Shabazz et de Malcolm X. 

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